À l’heure où les pays d’Afrique francophones veulent à tout prix se débarrasser du franc CFA, certains États comme la Côte d’Ivoire et la France ont plutôt décidé de changer son nom en « ECO »
Cette monnaie très controversée tarde à se mettre en place. Certains voient une influence nigérienne dans cette affaire. En effet, ce blocage peut être dû à la volonté de ce dernier de s’opposer au projet monétaire annoncé en décembre 2019, par le chef de l’État ivoirien Alassane Ouattara et son homologue français Emmanuel Macron pour remplacer le franc CFA des huit pays de l’union monétaire ouest-africaine (UMOA). Le 23 juin 2020, le président nigérian, Muhammadu Buhari, avait évoqué sur son compte Twitter, un éventuel éclatement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Selon le président nigérian, cet éclatement pourrait avoir lieu si les présidents de la CEDEAO ne se conformaient pas « au processus convenu pour atteindre [leur] objectif collectif tout en [se] traitant mutuellement avec le plus grand respect. […] ». Il n’avait pas manqué d’ajouter que « sans cela, nos ambitions pour une union monétaire stratégique en tant que bloc de la Cedeao pourraient très bien être gravement compromises ». Pour un spécialiste sénégalais, n’ayant pas révélé son identité, ce sont les menaces du Nigeria qui ont mis les bâtons dans les roues du projet Ouattara-Macron.
Ce retard à l’allumage suscite des interrogations et laisse entrevoir une guerre de leadership sans merci. Entre le Nigeria –tête de file de la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest (ZMAO) qui regroupe cinq autres pays (Ghana, Gambie, Guinée, Liberia, Sierra Leone)– et la France, soucieuse de maintenir une influence contestée dans son pré carré francophone, la bataille risque d’être longue.
« L’évidence saute aux yeux : ce sont les menaces du Nigeria qui ont grippé le scénario imaginé par Ouattara et Macron. La France, qui a toujours deux cordes à son arc, a tenté un premier forcing pour torpiller l’eco comme future monnaie unique des 15 États de la Cedeao. Mais comme Buhari a été intransigeant, elle va laisser faire l’eco-Cedeao en la faisant traîner le plus longtemps possible et en espérant que, entre-temps, son cheval de Troie –le Maroc– intègre la Cedeao pour y contrer le Nigeria », analyse pour Sputnik un spécialiste monétaire sénégalais qui a requis l’anonymat.
C’est ce schéma-là imposé à l’unanimité des 15 chefs d’État présents qui a été bouleversé par l’accord Ouattara-Macron, suscitant l’ire des sociétés civiles et mouvements panafricanistes sur le continent.
Alors que, selon l’accord d’Abuja de juin 2019, l’eco devait se substituer au franc CFA et aux sept autres monnaies nationales en cours dans l’espace Cedeao, « ce projet Ouattara-Macron souffre de trois faiblesses majeures », estime un économiste sénégalais :
« D’abord, il est illégitime aux yeux des États de la Cedeao non arrimés au franc CFA. Ensuite, il vise à perpétuer sous un autre nom la servitude monétaire des pays CFA. Ceux-ci, enfin, ne remplissent même pas les critères de convergence commune. La pandémie du coronavirus est venue opportunément “sauver” Ouattara et ses collègues de l’UEMOA d’une situation embarrassante. »
Le dernier acte public posé dans le processus de liquidation du franc CFA remonte au 20 mai 2020. Sibeth Ndiaye, alors porte-parole du gouvernement français, a annoncé l’adoption en Conseil des ministres du décret censé enterrer le franc CFA dans l’espace UEMOA. Depuis, c’est le black-out total, à Paris comme du côté des États concernés et de leurs dirigeants.
Dans ce contexte actuel, il serait impossible aux États de l’Afrique de rentrer dans la nouvelle monnaie, qui détruirait leur économie au fur et à mesure du temps. Dans l’espoir que les autres pays de l’UEMOA se joignent au Nigeria afin de contrer cette nouvelle imposture qui va entièrement dévaster le non seulement les pays de l’Afrique francophones, mais aussi le continent africain.
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