LES CHRONIQUES DE LA PARTICIPATION CITOYENNE( 77)

Le Sénégal Face à Son Reflet : Malaise Social et Silence Collectif
Le suicide est un drame intime et silencieux, mais il est aussi un miroir de l’état d’une société. Ces dernières années, le Sénégal a vu une hausse inquiétante du nombre de suicides, touchant particulièrement les jeunes adultes. Ce phénomène, loin d’être un simple fait divers, interroge sur l’évolution des liens sociaux, la prise en charge de la détresse psychologique et la capacité collective à préserver le vivre-ensemble.
Des Chiffres Alarmants, un Malaise Profond
Les statistiques montrent une augmentation des cas de suicide au Sénégal, avec des tendances marquées : les hommes se suicident deux fois plus que les femmes, la pendaison reste le moyen le plus utilisé et les périodes de froid enregistrent un pic de cas. Ce sont autant d’indicateurs qui révèlent une crise silencieuse, souvent ignorée par les pouvoirs publics et la société en général.
La jeunesse est particulièrement touchée. Le suicide est aujourd’hui la troisième cause de mortalité chez les 15-29 ans, une génération en quête de repères dans un monde où l’individualisme prend de plus en plus le pas sur la solidarité.
L’Indifférence Collective : Une Société Déconnectée
Au-delà des chiffres, le malaise social est palpable. L’indifférence semble s’installer face aux drames humains. Qu’il s’agisse de suicides, d’immolations ou de jeunes qui périssent en mer en quête d’une vie meilleure, la société observe ces tragédies comme de simples faits divers. L’émotion est souvent éphémère, vite remplacée par d’autres actualités, sans qu’une véritable réflexion ne s’engage sur les causes profondes de ces désespoirs.
La question de la prise en charge de la santé mentale reste marginale dans les politiques publiques. Les structures psychiatriques sont insuffisantes, et la souffrance psychologique est encore largement taboue. Beaucoup préfèrent se taire, craignant d’être jugés plutôt que soutenus.
Une Dégradation du Lien Social
Le Sénégal a longtemps été reconnu pour son esprit de Teranga, sa chaleur humaine et ses valeurs de solidarité. Pourtant, ces repères semblent aujourd’hui s’effriter. L’espace social est devenu un lieu de jugements et de rivalités plutôt qu’un espace de dialogue et d’entraide.
Dans les familles, les tensions autour de l’héritage divisent. Dans les milieux professionnels, l’honnêteté est parfois perçue comme de la naïveté. Les discussions sont de plus en plus marquées par la méfiance et la peur d’être incompris ou ridiculisés. Même dans les moments de deuil, la compassion semble parfois laisser place au voyeurisme, où la douleur des uns devient un spectacle partagé sur les réseaux sociaux.
Repenser le Vivre-Ensemble
Face à cette situation, une prise de conscience collective s’impose. Il ne suffit pas de déplorer les drames après coup, mais de créer des espaces où la parole peut circuler, où l’écoute et la bienveillance redeviennent des valeurs centrales.
L’éducation joue un rôle fondamental. Dès l’école, il est essentiel d’enseigner non seulement les savoirs académiques, mais aussi l’importance de l’empathie, du respect et du dialogue. Les familles, les communautés et les institutions doivent travailler ensemble pour reconstruire des liens sociaux solides et offrir à chacun la possibilité d’être entendu et soutenu.
Le Sénégal ne peut se permettre de détourner le regard. Si le pays veut préserver son identité de nation solidaire, il est urgent de redonner du sens aux valeurs de partage et d’humanité. Il ne s’agit pas seulement de sauver des vies, mais aussi de restaurer un équilibre social fondé sur l’entraide et la dignité.

Alioune Ndiaye Expert en développement international Écrivain Militant de la Transformation Nationale

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